Richesse, honneur, orgueil
Débuter ce premier dimanche de carême par ces évocations, c’est se donner presque 40 jours pour un examen de conscience qui doit nous révéler, qui doit extirper de nos entrailles la culpabilité originelle pour la déposer devant la Croix que nous vénèrerons le soir du vendredi tragique et glorieux.
26 février 2023 : Premier dimanche de Carême Année A
Sous l’inspiration d’un paroissien, en l’occasion, Roland Delary, je puis dire que ce ce premier dimanche du carême de l’Année A est le dimanche des tentations. En ce dimanche, nous sommes confrontés au malin, au diable, à l’adversaire, au tentateur. Mais qui est-il ?
Le parallélisme flagrant entre la première lecture et l’Évangile nous en dit plus. 3 tentations pour l’une, 3 pour l’autre.
C’est le Seigneur qui a créé le serpent, il l’a créé libre et celui-ci commence alors son œuvre en provoquant Eve, en semant le doute. Eve reste de marbre et se réfère à la Parole de Dieu pour éviter cet affront. Construction similaire dans l’Évangile de Mathieu : c’est l’Esprit qui conduit Jésus tout d’abord puis Satan le soumet à une épreuve comparable à celle du serpent en proposant de transformer des pierres en pain. Jésus rétorque lui aussi comme Eve qu’il s’agit ? pour vivre ? de se nourrir de la Parole. La richesse est donc dans les deux cas, ramenée à l’essentiel, écartée des biens matériels symbolisés ici par des aliments. La vraie nourriture est dans la Parole.
Par la suite ? le serpent persévère et cherche à lever le doute « mais non tu ne vas pas mourir, vas-y ». Pour Eve c’est un privilège, c’est le début de la chute, elle réfléchit, elle salive, elle touche aux limites d’un bonheur finalement et après tout accessible. Satan fait de même en positionnant Jésus au sommet du temple pour qu’il saute dans le vide, pour qu’il montre à tous son exploit. Mais là Jésus résiste en revenant toujours sur la Parole vraie « tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu ». L’honneur proposé à Eve comme à Jésus n’est pas la voie dans laquelle ce dernier nous invite à le suivre.
Enfin le serpent incite Eve à être telle un Dieu et Eve succombe car elle est séduite et Adam la suit : c’est la chute. Satan lui aussi ne désarme pas, il est maintenant sur la plus haute montagne, celle qui domine l’humanité qu’il croit pouvoir offrir, lui le diable à Jésus. Et Jésus élève la voix, le repousse car il sait devant qui se prosterner. L’orgueil instauré par la faiblesse d’Eve devant l’arbre de la connaissance du bien et du mal est bafoué par Jésus à cet instant, par Jésus qui redresse l’humanité cupide en une humanité sauvée.
Il est bon de voir dans ce comparatif d’un côté une descente vers la facilité, vers la recherche d’un bonheur égocentré, vers des plaisirs irraisonnés et d’un autre côté une montée par le chemin de la Parole vers la pauvreté, l’humilité, la vérité qui sont sagesse. Eve conduit l’homme à la mort, Jésus à la vie. Et Saint Paul le martèle par trois fois dans cette seconde lecture parfaitement évocatrice : « là où le péché s’est multiplié, la grâce a surabondé ».
Mais alors Satan dans tout cela ? S’il est représenté par le serpent dans la Genèse ou nommé le tentateur par Saint Mathieu, nous remarquons que St Paul ne le cite pas. Non pas qu’il l’ignore mais il entreprend à travers sa lettre aux Romains de nous faire comprendre que la cause n’a pas de nom car elle est elle-même une absence. Ainsi Satan n’est pas le mal ni le péché mais le serviteur du mal. Le mal devient le fruit de la liberté laissée à l’Homme qui désormais peut choisir entre le bien et le non bien. Le Larousse écrit d’ailleurs que le mal est ce qui est contraire au bon. Le mal s’incarne ainsi dans une séduction diabolique mais il n’a pas d’existence propre puisqu’il serait alors comme toute chose création de Dieu, ce qui n’est pas concevable. C’est donc bien nous qui en sommes à l’origine, c’est nous qui divisons notre propre liberté, c’est nous qui utilisons le malin pour nier nos faiblesses. N’est-il pas plus facile d’attribuer au démon nos péchés selon les expressions « il a le diable en lui » ou « il a vendu son âme au diable » plutôt que d’en accepter la responsabilité ?
Débuter ce premier dimanche de carême par ces évocations, c’est se donner presque 40 jours pour un examen de conscience qui doit nous révéler, qui doit extirper de nos entrailles la culpabilité originelle pour la déposer devant la Croix que nous vénèrerons le soir du vendredi tragique et glorieux. Poursuivre ainsi le carême, c’est vouloir laver notre cœur en faisant nôteprière du psalmiste « Oh mon Dieu, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit ». Alors que ces jours que nous allons vivre soient remplis de bonté, de partage et de prière pour ne laisser aucune place à nos tentations. Que ces jours bannissent richesse, honneur et orgueil pour donner toute sa place à l’amour. Amen !
Père Gaston Yerbanga
Pour télécharger l'homélie, cliquez ici